Sources

Franz Liszt ‒ Sources du concert n° 177

Chronique de Paris, journal politique et littéraire, 4e année, no 12, dimanche 19 mars 1837, p. 193
Article signé: « ...Z » (Hector Berlioz)

CHRONIQUE MUSICALE.

 

   [... p. 193...]

   Pendant que l’ancienne école obtenait ce triomphe au Conservatoire, M. Liszt noua initiait à la haute poésie de l’école nouvelle. Avant les quatre soirées où le grand pianiste vient de figurer avec tant d’éclat, bien des gens ignoraient encore que Beethoven se fût montré aussi grand dans ses compositions de piano que dans ses symphonies ; et c’est ce dont tout le monde, à Paris, est aujourd’hui convaincu. Le trio en si bémol, parfaitement accompagné par MM. Uhran et Batta, a été redemandé à la quatrième séance. Nous ne pouvons que répéter ce qu’on en dit partout depuis lors : c’est une oeuvre colossale. Dans un si dangereux voisinage, cependant, M. Liszt a su, comme compositeur, obtenir des suffrages qu’on n’a pendant long-temps accordés qu’à son prodigieux talent d’exécution. Ses fantaisies sur les thèmes de la Juive, le Contrabandista, et le grand caprice intitulé simplement : Valse,le placent à un rang où je ne sais si beaucoup de ses émules pourront facilement atteindre. Le brillant concert donné dimanche dernier par M. Thalberg, et l’annonce de celui que M. Liszt donne ce soir à l’Opéra, ont dû naturellement mettre bien des fois, ces jours-ci, les noms des deux virtuoses en présence, en ranimant, plus ardente qu’auparavant, une controverse qui était sur le point de s’éteindre.

   Le talent de M. Thalberg est essentiellement riche et pompeux ; il éblouit plutôt qu’il n’entraîne. Il réussit mieux à exécuter sa musique qu’à rendre les œuvres à la fois savantes et inspirées des grands maîtres. M. Liszt possède les mêmes qualités, et certainement au même degré ; mais il est, de plus, passionné et varié à l’infini : il sait prendre tous les tons, revêtir toutes les formes, et ne paraît jamais plus admirable que lorsqu’il s’applique à interpréter Beethoven, Hummel ou Weber. L’avantage est donc incontestablement de son côté ; cela nous a toujours paru aussi évident qu’inutile à dire ; mais la manie des comparaisons est un des travers de notre société, et l’auteur de cet article eût paru inexcusable de parler de MM. Liszt et Thalberg, sans se prononcer pour l’un ou pour l’autre.

...Z.         

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