Sources

Franz Liszt ‒ Sources du concert n° 361

L’Opinion nationale, 5e année, no 154, vendredi 7 juin 1861, p. [2]-[3]

Listz chez Lamartine.

 

   Listz, qui n’est pas seulement un des plus grands artistes, mais aussi un des plus nobles cœurs du monde, avant de quitter Paris, où il n’est revenu dernièrement que pour affaires privées, et non comme virtuose, a tenu à honorer et à charmer, comme nul que lui ne pouvait le faire, la retraite aujourd’hui absolue du grand citoyen et du glorieux poète à qui le temps présent doit tant de joies pures et nobles, et à qui, de plus, il dut certain jour son salut. Listz a offert spontanément à M. de Lamartine d’aller porter chez lui et pour lui, tout un soir, l’hommage, le tribut, l’épanouissement complet de son talent incomparable, et il s’est tenu parole, car hier, — c’est hier soir que quelques amis ont pu jouir, avec l’illustre solitaire de la rue Ville-l’Évêque, de cette audition précieuse et intime. — le grand artiste hongrois, ou pour mieux dire européen, a dit, en les mêlant quelquefois de caprices d’improvisation admirables, ses meilleures pièces, avec un fini, une maëstria, une inspiration dont jamais, il l’a dit lui-même, il ne fut à la fois plus rempli et plus maître. « Je fais tout ce que je veux, ce soir, » répondait-il, comme modeste atténuation de son triomphe, aux applaudissements et aux admirations qu’excitaient non les progrès certes, — il n’en [p. 3] avait plus à faire, — mais les nouvelles faces d’un talent qui, il y a quinze ans, semblait avoir déjà épuisé toutes les ressources et franchi toutes les limites. Heureuses les retraites consolées de la sorte ! heureux les talents rares qui peuvent apporter de telles fêtes du cœur, de l’amitié, de l’art à la tristesse du génie ! »

F. MORNAND.   

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